« Ecologie: quelle(s) conversion(s)? »

L’ensemble de l’Église protestante unie s'était engagée dans un grand débat sur ce thème. La Rencontre y avait apporté sa pierre. A l'automne 2021 (plus tard que prévu en raison de l'épidémie de Covid), le synode national a adopté un texte qui explicite la position de l'Eglise protestante unie de France.  

Ce texte du synode national est accessible ici.

 

 

Retour sur les épisodes précédents

La question écologique est une devenue une question globale. Elle concerne la santé humaine, la diversité des espèces animales et végétales, les équilibres du vivant, l’économie, les rapports sociaux, les relations internationales, les choix politiques, la géologie… Elle est intimement liée à notre rapport au temps (relecture du passé, accélération, avenir tellement incertain), elle bouleverse notre rapport à l’espace (montée des eaux, changement des grandes aires climatiques, migrations), elle transforme notre relation les uns aux autres et à nous-mêmes (interdépendance, partage).

La question écologique est donc aussi une question spirituelle, qui vient travailler le sens de notre existence personnelle et collective.

L’Église protestante unie de France a inscrit cette question à son agenda, sous le titre : « Écologie, quelle(s) conversion(s) ? » Le processus initial est expliqué à la fin de cet article; il a été chamboulé en raison de l’épidémie de Covid et devrait déboucher au cours de cette année.

Il ne s’agit pas d’aborder la question écologique sous tous ses angles (diagnostic scientifique, impact économique, etc.), ni d’élaborer des propositions politiques, même si tout est lié bien sûr. Il s’agit d’explorer les liens et les résonances de cette question écologique avec la foi chrétienne telle que nous la comprenons et la vivons.

L’Église de La Rencontre et la paroisse Saint-Paul-de-Montmartre, deux communautés locales voisines, l’une réformée et l’autre luthérienne, toutes deux membres de l’Église protestante unie de France, ont organisé des soirées de réflexion et d’échange, pour élaborer leurs réflexions et les transmettre aux rapporteurs régionaux.

Ceux-ci ont animé le travail du synode régional, en novembre 2019, sur la base des productions de toutes les Eglises locales de la Région.

 

Le synode de la Région parisienne a adopté un texte de « Convictions » et un texte de « Recommandations », ci-dessous. 

Ces deux textes sont des documents de travail; ils sont la contribution de la Région parisienne au synode national qui devait se réunir au pintemps 2020 mais tiendra finalement sa session dans les mois qui viennent et qui arrêtera, lui, la position de l’Eglise protestante unie de France (voir plus bas les explications sur la démarche synodale).

 

CONVICTIONS

Ces convictions ont été adoptées par 117 à 136 voix, contre 2 à 6 (selon les paragraphes).

Préambule

Parler d’écologie, c’est évoquer les relations entre les vivants sur notre terre commune.

Parler de Création c’est poser une parole sur le monde, discerner un sens. C’est exprimer notre relation au Dieu qui se révèle au travers de sa Création et en Jésus-Christ. C’est évoquer notre relation à nous-même et à l’ensemble du monde créé.

Don et gratitude

En confessant que Dieu est créateur, nous recevons l’Univers, la vie et ce qui la permet, comme un don.

Cela nous invite à la gratitude et à la louange, à la contemplation et à l’émerveillement.

Cela nous appelle à la conversion à l’esprit de gratuité et au rejet des logiques de marchandisation et de prédation.

Cela nous engage à un juste partage et à la transmission pour tou(te)s des dons de Dieu.

Origine commune et solidarité fondamentale

En confessant que Dieu est créateur, nous nous reconnaissons nous-mêmes comme créatures, partageant avec tous les éléments de la Création une origine commune dans la volonté bienveillante de Dieu. Habité(e)s par le souffle divin, mais issu(e)s de la même poussière originelle, nous sommes solidaires et interdépendant(e)s de toute la Création.

Cela nous appelle à l’humilité.

Cela nous engage à agir pour le respect dû à toute créature.

Intendants du Créateur

En confessant que Dieu est créateur, nous recevons de lui la mission de cultiver et garder la Terre qu’il nous a confiée. Il nous fait jardiniers à sa suite, dans le cadre d’une Création continue à laquelle il nous associe. En acceptant cette mission, nous reconnaissons que nous ne sommes pas propriétaires du monde, mais intendant(e)s du Créateur.

Entre l’exploitation responsable de notre environnement et son exploitation sans limite, la question centrale est celle de la juste place de l’humain dans la Création.

Cela nous invite à convertir notre appréhension de la domination que Dieu nous confie pour l’exercer comme service.

Cela nous engage à une gestion harmonieuse et à la protection de notre maison commune contre les intérêts particuliers qui la menacent.

Limites humaines et monde fini

En confessant que Dieu est créateur, nous reconnaissons que nous sommes tou(te)s fini(e)s, mortel(le)s, vivant dans un monde lui aussi fini et limité. Cela est au centre même de nos vies et de nos communautés humaines. C’est au cœur de cette finitude, qu’en Jésus-Christ “premier-né de toute création”, Dieu vient à notre rencontre.

Et pourtant, innombrables sont les comportements individuels ou collectifs qui visent à oublier ou dépasser cette condition fondamentale. Constitutifs de l’aventure humaine dans ce qu’elle a de meilleur, ces comportements sont aussi au service du fantasme délétère du dépassement de toute limite.

Se reconnaître fini(e)s dans un monde fini, nous appelle à la conversion pour plus de sobriété et de simplicité afin de résister à la tentation du “toujours plus”.

Cela nous engage à retrouver le sens du sabbat et de la lenteur pour résister à la tentation du “tout, tout de suite”.

Libération et nouvelle création

En confessant Jésus-Christ, son incarnation, sa mort et sa résurrection, nous nous engageons sur un chemin d’espérance, libéré(e)s de l’angoisse existentielle face à notre finitude. Celle-ci peut même être reçue comme grâce et sujet de louange.

À l’image de Jésus face au tentateur, libéré(e)s de la peur, nous pouvons renoncer à nos quêtes illusoires de toute-puissance. Converti(e)s à l’Évangile, à sa suite, nous sommes appelé(e)s à orienter les pouvoirs dont nous disposons en les mettant au service d’un monde plus fraternel, plus juste et plus sain. Le salut de la Création peut être pensé dans la perspective libératrice de la croix et de la résurrection.

Cela nous invite au discernement pour résister à la réalisation de tout ce que la technique nous permettrait.

Cela nous engage à dénoncer l’asservissement aux logiques de compétition et de domination.

Espérance et engagement

L’espérance d’une création nouvelle, la perspective d’une réconciliation universelle, d’un salut élargi au monde entier traverse la Bible. Cette espérance fondée sur l’amour de Dieu pour le monde et pour les humains est l’horizon de notre foi. Face aux périls qui menacent le vivant, sans céder à un catastrophisme désespéré ni à une insouciance irresponsable, nous pouvons nous engager avec confiance.

Avec l’aide de Dieu, il nous appartient, avec d’autres, de mettre en œuvre à notre échelle les actions appropriées. Il nous appartient aussi de lutter contre les logiques et systèmes qui détruisent l’humain, le vivre ensemble et la Création.

Il nous appartient surtout de soutenir les signes d’espérance qui foisonnent.

Entrer dans cette espérance aujourd’hui, c’est se convertir individuellement et collectivement à la dynamique du Royaume qui vient, dans l’attente de la nouvelle création où la justice et la paix s’embrasseront.

 

RECOMMANDATIONS

Ces recommandations ont été adoptées par 74 à 124 voix, contre 1 à 9 (selon les paragraphes). Les sauts dans la numérotation tiennent au fait que deux recommandations soumises au synode n’ont pas été adoptées.

Recommandation n°1

Le synode régional de l’EPUdF Région parisienne réuni à Dourdan du 15 au 17 novembre 2019 recommande au Conseil national de l’EPUdF de se doter des moyens appropriés pour que le travail de réflexion engagé à l’occasion des synodes régionaux et nationaux 2019-2020 sur le thème de l’écologie, s’inscrive dans la durée au-delà de ce cycle synodal. Un point d’avancement sur la question pourrait ainsi être à l’ordre du jour des synodes à venir.

Cette inscription dans la durée pourrait prendre différentes formes, commission ad hoc, délégué ou référent dans les Conseils presbytéraux, régionaux et national, veille confiée au réseau Bible et Création… il appartiendra au Conseil national d’en décider.

Recommandation n°3

Le synode régional de l’EPUdF Région parisienne réuni à Dourdan du 15 au 17 novembre 2019 recommande au Conseil national de l’EPUdF de mettre en œuvre une campagne nationale de communication sur le thème “foi et écologie” et de s’unir avec d’autres Églises pour des campagnes nationales visant à promouvoir un changement des habitudes de consommation notamment autour de temps de l’année liturgique (Noël, Pâques, carême, “saison pour la Création”, “fête des moissons”…) en encourageant à la simplicité volontaire.

Recommandation n°4

Le synode régional de l’EPUdF Région parisienne réuni à Dourdan du 15 au 17 novembre 2019 encourage le Conseil national de l’EPUdF à avoir une parole publique face aux crises environnementales qui menacent les personnes, les sociétés humaines et à terme la vie démocratique.

Si leur foi ne leur donne aucune compétence technique ou politique particulière face à ces crises, elle donne en revanche aux chrétiens un point de vue spécifique sur les dimensions spirituelles et existentielles de ces crises.

Face aux idéologies de la croissance et du consumérisme, face aux logiques de compétition, de domination et de prédation qui en découlent, nous recommandons à notre Église d’interpeller ses fidèles, nos concitoyen(ne)s et les pouvoirs publics. Nous lui recommandons de promouvoir des modes de vie plus sobres et une économie respectueuse de l’humain et de la biosphère, notre bien commun.

Recommandation n°5

Considérant que la crédibilité d’une parole publique de l’Église doit reposer sur la cohérence de ses engagements, le synode régional de l’EPUdF Région parisienne réuni à Dourdan du 15 au 17 novembre 2019 encourage le Conseil national, les Régions et toutes les paroisses de l’EPUdF à veiller à leur cohérence en matière de respect de notre maison commune pour un avenir vivable et durable. Toutes les dimensions de la vie ecclésiale sont potentiellement concernées par cette problématique : placements financiers non-carbonés et respectueux des Droits de l’Homme, transports et déplacements, gestion des bâtiments, consommation de biens et d’énergie, valorisation des terrains etc.

Recommandation n°6

Les migrations liées aux changements climatiques et l’accueil des personnes fuyant leurs territoires devenus invivables s’annoncent comme l’un des grands défis à venir, et déjà présent. Le synode régional de l’EPUdF Région parisienne réuni à Dourdan du 15 au 17 novembre 2019 appelle à renforcer notre vigilance et notre solidarité avec les personnes et populations qui en sont les victimes. Pour nos Églises, ce défi relève à la fois de la diaconie locale, des œuvres et mouvements, et de nos engagements et partenariats internationaux (DEFAP, CEVAA, Cimade).

Recommandation n°8

Le synode régional de l’EPUdF Région parisienne réuni à Dourdan du 15 au 17 novembre 2019 encourage les paroisses à réfléchir et agir localement sur les questions écologiques dans le cadre d’un travail interreligieux.

Recommandation n°9

Considérant que la préoccupation environnementale est particulièrement vive parmi les plus jeunes, le synode régional de l’EPUdF Région parisienne réuni à Dourdan du 15 au 17 novembre 2019 demande au Conseil national de solliciter le réseau jeunesse et les commissions catéchétiques régionales et nationales afin qu’elles travaillent à rassembler les expériences déjà en cours et à élaborer des propositions pédagogiques prenant en compte les dimensions bibliques, théologiques et spirituelles de notre rapport à la Création.

Recommandation n°10

Le synode régional de l’EPUdF Région parisienne réuni à Dourdan du 15 au 17 novembre 2019 recommande au Conseil national de l’EPUdF de promouvoir la démarche Église Verte auprès des Églises locales de l’Union, et de s’engager avec ses partenaires œcuméniques (FPF, CÉCEF…) pour soutenir et pérenniser la coordination de cette dynamique au niveau national au-delà de 2020.

 

 

Démarche synodale, mode d’emploi

L’Église protestante unie est organisée selon le régime dit presbytérien-synodal. Le mot presbytérien évoque la réalité locale de l’Église : les communautés, les paroisses ; le mot synodal, qui signifie « chemin commun », évoque la réalité de l’Église dans sa dimension plus globale, aux plans régional et national.

Lorsqu’elle aborde une question de fond, comme celle intitulée « Écologie : quelle(s) conversion(s) ? », notre Église ouvre un processus qui dure un peu plus d’un an et qui met en mouvement ces deux pôles de l’Église.

La phase locale (Mars – juin 2019)

Les paroisses se saisissent du sujet mis à l’ordre du jour. Elles l’abordent comme elles le souhaitent, y compris en utilisant éventuellement le matériel de réflexion mis à leur disposition. Chacune écrit sa contribution, qu’elle adresse à une équipe de « rapporteurs régionaux ».

La phase régionale (Juillet – novembre 2019)

Les « rapporteurs régionaux » font une synthèse des contributions qu’ils ont reçues. Ils y intègrent leurs propres réflexions et rédigent un projet de motion, qu’on appelle techniquement un « avis ». Cet « avis » est débattu et voté lors du synode régional, qui réunira du 15 au 17 novembre 2019 des délégués de chaque paroisse.

La phase nationale (chamboulée par l’épidémie de Covid!)

Les rapporteurs des neuf régions transmettent à une équipe de « rapporteurs nationaux » les résultats du travail régional. Ceux-ci font une synthèse des « avis » adoptés par les synodes régionaux et élaborent une motion finale, soumise au synode national. Celui-ci devait se réunir du 21 au 24 mai 2020, mais il a été reporté en raison des consignes sanitaires.

Ce synode adoptera un texte qui peut comporter plusieurs aspects : synthèse des travaux réalisés, élaboration d’un texte de consensus, interpellations de partenaires (dans le monde des Églises par exemple) et d’interlocuteurs (mouvements, autorités politiques, etc.), décisions concernant la vie de l’Église (ainsi, il y a quelques années, une décision de « décarboner » les placements financiers avait été prise), exhortations aux paroisses et à leurs membres, rédaction de textes liturgiques, etc.

Crédits : NASA, S. Souza, O.Sylwan, L.Reed et J.Sola, pour Unsplash.

 

 

 

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